Huit minutes.
Le Service médical d’urgence (SMU) de la région de York a un objectif de taux de réponse de huit minutes pour les appels de gravité élevée au 911, qui incluent les appels pour des arrêts cardiaques. Cependant, cet objectif est impossible à atteindre lorsqu’il n’y a pas d’ambulance qui peut se rendre à temps au chevet du patient – comme c’est trop souvent le cas.
Christina Bonner, une ambulancière paramédicale de la région de York membre de la section locale 905 du SCFP, affirme qu’elle a récemment été envoyée pour s’occuper d’un patient en arrêt cardiaque qui se trouvait à 25 minutes d’où elle était parce qu’il n’y avait pas d’autre ambulance disponible pour répondre plus près du lieu où se trouvait le patient.
« Nous savons tous qu’un patient en arrêt cardiaque subit des lésions cérébrales après trois minutes, les risques de lésion permanente augmentent à chaque seconde, a-t-elle affirmé. Dans ce cas particulier, je ne peux pas dire que le dénouement aurait été définitivement différent si nous étions arrivés plus tôt, les temps de réponse pourraient cependant jouer un rôle dans de nombreux cas critiques. »
« Il y a définitivement une différence frappante entre avoir des soins entre 8 et 10 minutes par rapport à 25 minutes, a-t-elle mentionné. Imaginez que c’est votre être cher – vous attendez une ambulance pendant 25 minutes alors que vous faites la RCR sur le membre de votre famille. C’est la réalité de ce qui pourrait se produire. Et je ne pense pas que [suffisamment] de personnes le savent. »
Le problème est endémique partout en Ontario.
Les services médicaux d’urgence des quatre coins de la province vivent fréquemment des « codes noirs » – c’est lorsqu’il n’y a qu’une seule voire aucune ambulance disponible pour répondre à un appel fait au 911 (les « codes noirs » sont également appelés « codes rouges » ou « reports d’appels », selon la région).
Le problème comporte de multiples facettes. En raison de la population vieillissante, la demande pour des services paramédicaux est en continuelle augmentation, sans augmentation correspondante des ambulances prévues à l’horaire. En d’autres mots, en raison du manque de financement par les gouvernements provincial et municipaux, qui se séparent les coûts d’exploitation en parts égales, les SMU sont chroniquement sous-financés.
« De façon régulière, nous pourrions retarder les soins dont les patients ont besoin parce que nous n’avons pas le personnel nécessaire pour y répondre. Il y a tellement de nuits où nous n’avons pas le personnel dans les centres appropriés, des demandes pour faire des heures supplémentaires sont faites de quatre à cinq fois par jour. Un niveau de dotation en personnel approprié permet aux services d’avoir les temps de réponse que nous savons être déterminants pour de meilleurs dénouements pour nos patients », d’affirmer Mme Bonner.
De plus, en raison de la réduction dramatique de la capacité d’hospitalisation (en anglais seulement) en Ontario, les urgences débordent, ce qui empêche les ambulanciers paramédicaux de transférer (ou « décharger ») des patients dans les hôpitaux en temps opportun. Étant couramment retardé pour le déchargement, dans les hôpitaux – souvent pendant plusieurs heures – cela empêche les ambulanciers de répondre à d’autres appels d’urgence. De plus, cela peut aussi avoir des conséquences négatives sur les soins complets offerts aux patients.
« Cela peut être très éprouvant. Disons que votre grand-mère est tombée et s’est cassé la hanche, de dire Mme Bonner. Et au lieu d’attendre 30 minutes pour se rendre à l’hôpital, elle attend maintenant de trois à quatre heures sur le plancher. Vous pouvez vous imaginer à quel point la douleur va augmenter. Et il y aura des conséquences négatives pour le retard à recevoir un traitement, des complications à la suite d’une douleur accrue ou d’une immobilité, ce n’est pas idéal. »
Avec la double pression que représentent la demande accrue (combinée à une augmentation limitée du financement) et des délais de déchargement, les ambulanciers paramédicaux comme Christina Bonner font couramment face à la situation stressante de savoir que les demandes au travail augmentent rapidement avec un minimum de soutien.
Le manque de ressources dans le secteur des SMU a également des conséquences négatives sur les ambulanciers paramédicaux qui, couramment, font des heures supplémentaires en plus de faire des quarts de travail de 12 heures, sans pauses, se dépêchant entre deux appels.
« Disons que vous faites un quart de travail de huit heures. Imaginons maintenant que vous rentrez au travail et, pendant huit heures, vous ne vous assoyez pas et vous n’allez pas aux toilettes. Vous ne mangez pas », de dire Mme Bonner.
« Il y a tellement de fois au cours d’une année où nous sortons littéralement de nos voitures (alors que nous arrivons au travail), à moitié habillés, et que nous entendons les appels entrer. Nous nous dépêchons à entrer dans le centre parce qu’il y a une autre équipe qui l’a fait toute la nuit et vous voulez juste la libérer, vous voulez juste la laisser rentrer à la maison à temps afin qu’elle puisse dormir et recommencer le lendemain. »
Dans ces circonstances très difficiles, les ambulanciers paramédicaux continuent de faire un travail incroyable en offrant des soins.
Malgré la hausse du volume d’appels et l’augmentation des incidents graves, le temps de réponse moyen à des appels d’urgence a augmenté de seulement 12 secondes entre 2016 et 2018 (d’après les plus récentes données disponibles).
Mais cette intensité accrue a des répercussions sur les travailleurs et les patients. Le nombre de demandes d’indemnisation des accidents du travail et de maladie professionnelle faites à la Commission de la sécurité professionnelle et de l’assurance contre les accidents du travail (CSPAAT) a explosé. D’après les données obtenues auprès de 16 services, les demandes d’indemnisation à la CSPAAT ont augmenté de 31,4 pour cent en 2017 et de 24,4 pour cent en 2018.
Le nombre grandissant d’ambulanciers paramédicaux incapables de rentrer au travail entraîne une charge de travail accrue pour leurs collègues, créant un cercle vicieux d’heures supplémentaires, de blessures et de manque de personnel.
« Souvent, nous amorçons nos quarts de travail avec une faible couverture d’ambulances. Certaines nuits, il y a 12 ambulances en moins, ou 9 ambulances en moins », d’affirmer Mme Bonner, qui souligne le fait que, souvent, il n’y a pas d’ambulanciers paramédicaux pour monter à bord des ambulances. « Vous devez corriger nos conditions de travail – pourquoi il y a tant d’ambulanciers paramédicaux qui doivent prendre congé? Pourquoi sommes-nous si épuisés?
Avec l’épuisement des ambulanciers paramédicaux, le manque de personnel dans les services et les hôpitaux qui débordent, la santé et la sécurité des Ontariens qui ont désespérément besoin de soins d’urgence sont menacées.
Mme Bonner affirme que la réalité est déchirante pour les ambulanciers paramédicaux, qui choisissent la profession pour offrir des soins de grande qualité aux patients.
« Je crois que la partie la plus difficile c’est de rentrer au travail, jour après jour, avec les mêmes problèmes, a-t-elle ajouté. La pandémie a été difficile et, alors que nous sommes tous sur le point d’entreprendre des négociations contractuelles, cela devient rapidement évident qu’il y a peu ou pas de soutien. »